Bonjour à tous ! Nous commençons l’écriture de cet article bien installés au coin du poêle, dans une petite maison dans les bois, entourés de volcans, de forêts et de torrents. Bref, notre environnement a bien changé ! Mais il s’en est passé des choses depuis Salta, notamment la traversée de la Cordillère des Andes d’est en ouest sur nos petits vélos… Petit retour en arrière !
Nous avons passé six jours à Salta, le temps de profiter de la ville, de faire les tâches classiques (lessive – leçons – courses - réparations - entretien, etc.) mais surtout de préparer notre grand bond en avant pour la Patagonie. L’objectif de cette avancée express en bus est d’atteindre cette région du continent à la bonne période, c’est-à-dire le printemps austral, pour profiter des conditions météo les plus propices pour traverser la région des lacs puis la Carretera Austral. Impossible à atteindre à notre vitesse de croisière… Qui plus est, nous avions déjà parcouru le tronçon Salta – Mendoza il y a 14 ans avec Olivier, c’était beau mais avec de grandes lignes droites face au vent, parfois de grandes distances entre les villages, donc nous avons envie de changer un peu d’ambiance. La décision est donc prise de mettre un petit coup d’accélérateur pour atteindre en bus Zapala, dans la province de Neuquen. Pourquoi cette ville comme point de départ pour notre périple en Patagonie ? Nous nous basons sur l’expérience d’une autre famille de voyageurs qui avaient pris cette route il y a plusieurs années, ça nous avait donné envie. C’est aussi l’occasion de passer au Chili par une toute petite frontière (c’est toujours plus tranquille), de faire un peu de piste au milieu de paysages sublimes.
En arrivant à Salta, la première chose que nous faisons donc est de nous rendre au terminal de bus afin d’anticiper autant que faire se peut les problèmes liés au transport de vélos dans les bus argentins. Après quelques demandes infructueuses auprès de diverses compagnies (qui nous refusent toutes les vélos et nous demandent de les envoyer à part en colis), la chance semble nous sourire avec FlechaBus. Camila, au guichet, prend le temps d’écouter la description exacte de tout notre barda et nous assure que, si si, il sera tout à fait possible de voyager avec nos vélos. Nous sommes un peu surpris (au regard de notre propre expérience et de celle d’autres cyclos), mais demandons de façon très claire, montrons des photos, et insistons lourdement pour être sûrs que Camila ait bien compris le volume avec lequel nous voyageons. Pour optimiser nos chances de réussir à monter dans le bus, nous achetons les billets et l’excédent bagage pour le 1ᵉʳ décembre, dans six jours. C’est un lundi, normalement le jour où les bus sont les moins pleins : mettons toutes les chances de notre côté !
C’est donc l’esprit léger que nous profitons de la belle Salta. Nous louons une chambre en colocation dans un petit appartement, c’est parfait pour cette longue pause. Nous sommes seuls presque toute la semaine dans ce petit cocon, très simple (toujours 1 lit double et 2 lits simples…), mais il y a une salle de bain avec baignoire, une cuisine (avec un four, on se régale de gratins de courgettes et de crumble aux pommes !), une pièce de vie et un balcon. Les enfants trouvent que « c’est luxe ! ». Notre séjour se résume par de longues sessions école qui permettent aux enfants de se mettre à jour dans leur avancée par rapport au programme, des balades à pied dans les rues de la ville, des dégustations de glaces chez Dulce Encanto à quelques pâtés de maisons. Nous visitons le beau musée d’Archéologie de Haute Montagne qui nous intéresse tous beaucoup. Il présente des objets trouvés sur le site archéologique le plus haut du monde, à 6700 d’altitude, dans la région de Salta, et l’une des trois momies d’enfants qui ont été trouvées là-haut dans un état de conservation extraordinaire. Nous retrouvons également Daiana et Marcelo, avec la famille desquels nous avions été invités à partager un barbecue la veille d’arriver à Salta, pour dîner ensemble en ville. Ils nous calent d’entrée de jeu sur le rythme argentin : après avoir dîné, ils nous proposent d’aller grimper à pied sur l’un des monts au bord de la ville pour y admirer la vue. Il est 23h00, « c’est la nuit, il fera moins chaud ». Oui mais nous on va plutôt se coucher à cette heure-là d’habitude, on ne part pas en rando… Allez, c’est parti ! Merci à eux, on a passé une très chouette soirée (couchés à 2h du matin, nos enfants ont pu faire la grasse matinée le lendemain, eux travaillaient et leurs enfants avaient école) !
Le 1ᵉʳ décembre, nous nous levons aux aurores afin d’être en avance au terminal de bus et de pouvoir préparer les vélos et grouper les sacoches avant le départ du bus. On est préparé mentalement pour affronter les prises de tête avec les chauffeurs. Oui, parce que pour corser les choses, personne ne proposait un trajet direct jusqu’à Zapala. Nous allons donc faire Salta – Güemes – Neuquen, il faudra ensuite trouver un bus pour le dernier tronçon Neuquen – Zapala. C’est parti pour deux jours de trajet, youpi ! Notre bus arrive et là, surprise ! Tout se passe bien, le chauffeur ne dit rien sur le fait qu’il y ait cinq vélos, nous montons dans le bus sans aucune prise de tête, incroyable ! Arrivés à Güemes, confiants, nous descendons notre barda et attendons le prochain bus. Mais lorsqu’il arrive, nous déchantons très vite : à peine vient-on de montrer nos billets et nos tickets d’excédents bagage, que le chauffeur nous regarde, regarde nos vélos, et d’un ton sec nous dit qu’il ne prendra aucun de nos bagages ni vélos. Et commence alors la palabre… on explique que c’est validé par la personne de la billetterie, qu’on a nos billets, qu’on a payé pour nos vélos, bref, que nous allons monter dans son bus. Lui répond qu’ils n’y connaissent rien à la billetterie, qu’il ne peut pas prendre les vélos, et qu’il ne les prendra pas. Nous appelons la billetterie de Salta, qui valide le fait qu’on puisse prendre les vélos, le chauffeur s’en fout comme de sa première chemise. Après un bon 20 minutes de négociations acharnées (pendant lesquels on se confond en excuse auprès des autres passagers qui aimeraient bien partir eux aussi), le dialogue s’envenime à coup de « on va appeler la police » du côté du chauffeur, et de « ok, vas-y appelle, ça nous va très bien » du nôtre, même Olivier d’habitude d’un calme olympien, finit par s’énerver un brin. Au final, après 30 minutes de prise de tête, le chauffeur nous claque les soutes au nez et part, nous laissant sur le quai avec nos bagages en vrac, nos vélos démontés et trois enfants atterrés. Du pur plaisir !
Retour à Salta, nous sommes dépités. Dès notre sortie du bus, Camila, qui nous avait vendu les billets, nous attend. Elle est navrée pour nous, énervée contre le chauffeur et sa malhonnêteté et nous explique : comme nous avions déjà payé à la compagnie un excédent bagages “officiel”, le chauffeur ne pouvait plus nous demander un “pourboire” pour le transport de nos vélos, comme cela se fait tout le temps. Il nous a donc tout simplement refusé… A sa demande, nous écrivons un témoignage à l’attention de la direction de la compagnie pour dénoncer cette situation et faire en sorte que cela arrive moins. Camila nous aide et nous trouvons un plan B pour le jour même ! Seul hic : les vélos voyageront cette fois en colis, il nous faudra les attendre plusieurs jours à Zapala… Nous vous passons les quelques autres péripéties qui pimentent ce voyage, mais globalement nous arrivons à destination. Les enfants sont ravis d’avoir des heures devant eux pour lire (Alicia et Sofia sont devenues des lectrices assidues grâce aux liseuses offertes par leurs arrières-grands-parents et à J. K. Rowling), ou regarder les films diffusés dans le bus. On arrive tous quand même bien rincés le mercredi en fin d’après-midi, après 3 journées et 2 nuits de voyage !
A Zapala, nous nous installons au camping municipal qui a le gros avantage d’être gratuit. On ne sait pas quand arriveront nos vélos, dans deux jours, peut-être 4, ou 6… Nous prenons donc notre mal en patience, mais commençons à avoir les jambes qui nous démangent, et nous sommes ravis de constater que les enfants aussi ! On a hâte de reprendre la route ! Nous profitons donc de ce temps posé pour prendre le temps de cuisiner sur les nombreuses parillas (barbecues) installées dans le camping comme partout en Argentine. Les enfants jouent entre les pins, on ne sait pas trop quels mondes ils s’inventent, mais on les aperçoit de temps en temps passer, Sofia et Alicia un arc à la main. Nous rencontrons aussi d’autres voyageurs de passage, à vélo, en moto, en camion. Sofia et Alicia peuvent parfaire leur technique pour faire des bracelets auprès de Luisa, cyclo colombienne. La province de Neuquen, dans laquelle nous sommes, est connue dans le monde de la paléontologie pour abriter de nombreux fossiles de dinosaures. Nous visitons le très chouette musée Olsacher qui présente de très impressionnants fossiles de dinosaures découverts dans la région, ainsi qu’une belle collection de pierres du monde entier. Les enfants nous réclament également depuis plusieurs semaines de passer dans une bibliothèque, nous nous rendons donc à celle de Zapala. C’est un peu la douche froide… Nous avons l’habitude de notre géniale bibliothèque de quartier à la Roseraie à Angers : devant les deux ou trois étagères sur lesquels les vieux ouvrages relativement abîmés attendent tristement, les enfants mesurent la chance que nous avons de bénéficier d’une médiathèque telle que celle que nous avons à 5 minutes à pied de la maison !
Finalement, le samedi après-midi, après seulement trois jours d’attente, les vélos arrivent tous ET sans casse !! C’est la fête ! Nous bouclons les sacoches, et nous reprenons donc enfin la route le dimanche 7 décembre, cap plein ouest vers les montagnes de la Cordillère. Nous évoluons dans un paysage de pampa, c’est grand, c’est beau, avec en ligne de mire les sommets enneigés et le vent dans le dos pour le moment ! Nous sommes beaucoup moins haut que deux semaines auparavant, mais il va nous falloir remonter un peu en dessous de 2000 mètres d’altitude avant de nous laisser glisser côté chilien. Pour le plus grand bonheur d’Alicia, nous croisons souvent des chevaux en semi-liberté dans ces vastes plaines. Nous retrouvons le plaisir et la légèreté de croiser de nombreux cours d’eau. C’est beau et cela nous simplifie considérablement la tâche : plus besoin de surveiller la consommation d’eau, plus besoin d’anticiper pour les bivouacs. Le premier soir, nous dormons dans une cabane de berger au bord de la route, avec une vue incroyable et une source juste à côté, pour laquelle de nombreux automobilistes s’arrêtent faire le plein… d’eau. Nous passons la soirée à contempler le coucher de soleil sur les montagnes, savourant le fait d’être là et nulle part ailleurs.
Au deuxième jour, les choses se corsent un peu avec la fin de l’asphalte au niveau du hameau du Primeros Pinos. Ici, les hivers doivent être rudes au vu des photos des chalets enneigés affichées dans la petite tienda où nous achetons quelques paquets de gâteaux pour compléter le ravitaillement. Internet est encore disponible jusque dans des coins reculés comme ici, cela nous permet de passer un petit coup de fil à notre amie Sophie, médecin généraliste et experte en médecine de brousse, pour faire une petite vérification sur un potentiel petit pépin de santé pour Alicia. C’est super confortable de pouvoir lever des petits doutes et d’avancer plus serein grâce à ses conseils… Merci Sophie ! A Primeros Pinos apparaissent les premiers pins Araucaria. Ces arbres massifs et extrêmement vieux, symboles de la région, produisent des pignons longs de plusieurs centimètres, délicieux, que l’on peut consommer bouillis ou cuits au barbecue. On les appelle Désespoir des singes en France à cause de leurs épines épaisses, rigides, piquantes et très resserrées.
Autant la piste est très mauvaise, autant les paysages sont magnifiques. Après un petit bivouac tranquille au bord d’une rivière (les enfants étaient ravis de se baigner), nous continuons de grimper dans la bonne humeur vers un plateau. Cela se fait malheureusement sous un orage et une pluie battante pendant deux heures, dans un milieu complètement ouvert où nous sommes totalement exposés aux éléments. Bon, au moins on aura pris une bonne douche ! La pluie arrêtée, nous finissons la traversée de ce vaste plateau recouvert de roches et cendres volcaniques et passons au pied d’un volcan rouge étonnant. Puis nous entamons une descente vraiment sympa sur la piste qui est maintenant composée de cendres volcaniques très claires, tassées en talus sur les bords de chaque côté un peu comme la neige au bord des routes en hiver. En passant dessus en vélo, cela produit un léger bruit de frottements comme des skis sur la neige. Tout nous donne vraiment l’impression d’être sur une piste de ski !
C’est dans cette descente que LE changement opère : en quelques kilomètres, nous quittons définitivement les paysages secs et semi-désertiques et plongeons avec délice vers des paysages de forêts ! L’apothéose est atteinte lorsqu’au détour d’un virage, le lac Icalma apparaît, magnifique, déroulant une superbe plage déserte. Ni une, ni deux, les vélos sont posés sur le bas-côté, nous enfilons les maillots de bain et sautons à l’eau ! Nous poursuivons le lendemain en montée jusqu’au poste frontière argentin, puis entrons au Chili par la toute petite frontière d’Icalma. Dès les premiers kilomètres, on retrouve la piste (que nous avions quitté au lac Icalma) et cette manie chilienne : ils ne connaissent pas les lacets ! Les pentes sont raides en montée comme en descente. Mais les paysages sont tellement beaux !! Nous naviguons entre de belles montagnes arrondies, des volcans et des lacs. Notre premier bivouac chilien est parfait : au bord d’un lac, sur de l’herbe bien grasse et humide, de l’eau douce à portée de main, des arbres partout où porte le regard. Nous profitons tous de cette soirée paisible des étoiles plein les yeux.
Dernier jour avant l’arrivée à Melipeuco, c’est dur, la fatigue commence à se faire sentir après ce dénivelé et cette piste qui, décidément, empire depuis la frontière chilienne. Nous commençons par 7 kilomètres de montée raide, trop raide et trop “glissante” avec ce ripio en mélange de galets ronds, de poussière et de tôle ondulée. Il nous faudra deux bonnes heures pour en arriver à bout. Un rapide calcul vous montrera que nous avancions donc en moyenne plus lentement que des piétons. On organise un relai pousse-pousse pour monter les vélos en s’entraidant, ça demande de la patience mais les enfants sont motivés et ça le fait bien. De toute façon, cela nous arrivera sûrement souvent dans les semaines à venir ! Puis nous entamons enfin la dernière loooongue et fastidieuse descente sur une piste en aussi mauvais état que précédemment, finalement plus fastidieuse que la montée ! Après quelques kilomètres, nous comprenons qu’il s’agit probablement d’une « piste témoin », vitrine du savoir-faire unique des Chiliens en la matière (inspiré par les savoir-faire bolivien et périvien mais sublimé) : tôle ondulée sans discontinuer sur des kilomètres, bac à sable pour que les roues s’y enfoncent, graviers de toutes tailles (petits pour cacher les bacs à sable, moyen pour glisser, gros pour provoquer les dérapages et éventuellement provoquer de belles écorchures) et enfin et surtout, l’élément le plus important, une pente très importante pour accentuer le danger. Nous roulons donc les mains serrées/crispées sur les freins, à la folle vitesse de… cinq à neuf kilomètres à l’heure. C’est long. La pauvre Alicia, avec son chargement uniquement à l’arrière, chute plusieurs fois et commence à fatiguer. On avance le plus doucement possible mais ça tire un peu. Puis, enfin, on retrouve l’asphalte, et on se laisse glisser entre les champs et les bois, dans les odeurs de fleurs et de résineux. Peu avant notre objectif, la route nous fait traverser une coulée de lave de 1751, issue du volcan qui se dessine, enneigé, en toile de fond. Nous arrivons finalement à Melipeuco, cinq jours après avoir entamé cette magnifique traversée de la Cordillère. On s’est régalé ! Le temps n’étant pas au beau fixe et les troupes ayant besoin de repos, nous nous sommes trouvés une petite cabane avec… un poële !! Nous nous reposons donc deux jours, espérant laisser passer le mauvais temps… avant de repartir pour la suite de nos aventures entre les volcans !
Mais ça… c’est pour un autre épisode !
1 – Nous souhaitons limiter l’exposition des enfants sur internet. Famille et amis, envoyez-nous votre mail si vous souhaitez accéder à des pages privées avec plus de photos.
2 – Il semble que le système de commentaires d’article soit un peu capricieux. Apparemment il fonctionne bien avec le navigateur Firefox (que ce soit sur ordinateur ou téléphone) mais pas vraiment avec les autres (Opera, Chrome). Si vous voulez nous laisser un petit message, essayer avec ce navigateur.









































































