La légende du prince Korakora et de la déesse Thunupa

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Voici une légende de la région de Salinas de Garci Mendoza, telle qu’elle nous a été racontée par Enzo. Spéciale dédicace à lui qui a des talents de conteurs tout à fait compatibles avec le one-man-show. Nous nous excusons par avance de ne pas pouvoir reproduire ici ni ses mimes ni ses bruitages.

Ami lecteur, si tu passes à Salinas de Garci Mendoza, n’hésites pas à faire un tour au café Tambo Salinas. En plus de dévorer un excellent et copieux petit-déjeuner, Enzo, qui est un véritable puits d’informations, se fera un plaisir de te conter (et mimer et bruiter) des légendes locales.

Introduction

La région de Salinas de Garci Mendoza est parsemée de volcans et de montagnes. Ces volcans furent longtemps considérés comme des divinités, et donc bien sûr, tout un tas de légendes expliquent la création du Salar, des volcans, etc. Ainsi, Thunupa, volcan culminant à plus de 5000 mètres d’altitude et dépassant tous les autres de la région est l’une des déesses les plus importantes d’entre elles. C’est une femme, géante, assise dans le désert, au bord du Salar d’Uyuni, le regard tourné vers le sud. Du nord, on ne voit que ses magnifiques cheveux tressés qui tombent sur son dos.

La tentative de séduction

À Salinas de Garci Mendoza, au nord de Thunupa, un prince nommé Korakora, seigneur d’un ensemble de volcans admire les cheveux de Thunupa. Elle paraît jeune et belle. Il tombe amoureux et décide d’aller la séduire afin de la demander en mariage. Pour cela, il prépare un cadeau : une paire d’abarcas, les sandales traditionnelles (pas de la pointure fillette ni même de la taille de Berthe aux grands pieds, souvenez-vous, nous avons affaire à une géante).

Le prince gravit la montagne, arrive près du sommet et veut saluer Thunupa. Celle-ci ne daigne pas tourner le regard vers le prince.

Il l’appelle, l’interpelle, essaye d’attirer son attention, mais elle continue de l’ignorer.

⚠ Attention : la séquence suivante est non compatible « ME TOO ». Âmes sensibles s’abstenir.

Le jeune prince insiste encore, lui tapote sur l’épaule et lui annonce qu’il compte l’épouser. « Imaginez l’union de nos deux royaumes ! Les volcans du nord et la gardienne du Salar ! ». Cette fois, Thunupa tourne la tête et pose son regard sur le prince. Pour la première fois de sa vie, ce dernier découvre le visage de sa bien aimée. Il se rend compte qu’elle n’est pas si jeune que sa chevelure peut le laisser paraître, elle approche de la cinquantaine, mais cela n’entame en rien son amour.

Le prince éconduit

Thunupa répond à la demande du prince. « C’est non. Je suis trop âgée pour toi jeune prince. » « Mais qu’importe notre différence d’âge ! Je vous aime ! » répond-il. Et il lui glisse son présent dans les mains. Thunupa, sans doute un peu déçue que l’excuse de l’âge n’ait pas été suffisamment dissuasive, lui répond une dernière fois, calmement mais sans ambiguïté : « Non, je ne suis pas intéressée, laissez-moi tranquille. »

Là-dessus, le prince, n’écoutant que son cœur, mais ignorant sa raison, en remet une couche : « Allons Thunupa ! Nous sommes faits l’un pour l’autre ! Épousez-moi ! »

⚠ Attention : la scène qui suit est d’une violence rare et, à ce titre, peut choquer les jeunes lecteurs

Thunupa est arrivée au bout de sa patience, le prince ne comprend rien. Alors elle se lève de toute sa hauteur (petit rappel pour ceux qui ne suivent pas : c’est une géante), se retourne, et lui décoche un (géant) coup de pied dans l’entrejambe. Le prince suit alors une courbe parabolique qui le conduit gentiment à quelques kilomètres de là, où il s’écrase au sol.

La déesse Thunupa est plutôt colère mais au moins la voici débarrassée de ce lourdaud de prince. Elle tient encore dans les mains sa paire de sandales, mais ne veut en aucun cas les garder. Alors elle les lance dans les airs. Les sandales atterrissent loin de là, et donnent naissance à deux montagnes : le Sajama et l’Illimani. La voilà calmée, elle se rassoit, mais cette fois tournée vers le nord pour surveiller que le prince ne revienne pas.

Bilan des courses

  1. La Thunupa tourne maintenant le dos au Salar. On peut donc, avec un peu d’imagination, admirer sa coiffure quand on est sur le désert de sel ;
  2. Les seuls volcans qui restent dans la zone sont des volcans femelles, les mâles ont tous fui, de peur de subir la colère de Thunupa ;
  3. Le prince, depuis qu’il a reçu un coup de pied de géante entre les jambes, est atteint d’une grosse et inextinguible fuite urinaire. Attention ami lecteur, ce n’est pas le moment de décrocher : c’est donc grâce au prince et à ses problèmes d’incontinence que Salinas est maintenant alimentée par une source d’eau douce (la magie de la transition urine – eau douce… ben c’est soit la complexité des réactions d’oxydo-réduction, soit la magie des légendes), y compris en période de sécheresse ;
  4. Encore aujourd’hui, les anciens sont reconnaissants à Thunupa d’avoir, disons… botter le prince en touche puisque l’approvisionnement en eau est ainsi assuré ;
  5. Pour les randonneuses qui veulent gravir le volcan Thunupa : rien à signaler, elles sont les bienvenues ;
  6. Quant aux randonneurs qui veulent faire la même chose, il faut y mettre les formes pour en demander à la déesse l’autorisation. Pas de formulaire ou autre CERFA à remplir, mais il ne faut pas oublier de déposer des feuilles de coca sous une pierre avant de commencer l’ascension ;
  7. Le Sajama et l’Illimani qui sont des mâles, se sont éloignés afin de vivre leur vie sans la botte de Damoclès au-dessus de leur tête.
  8. Ici, à Salinas de Garci Mendoza, les légendes finissent mal, toujours.

La morale / To take away

Pour conquérir le cœur d’un femme, il ne faut pas compter sur une vielle paire de sandales issue d’un assemblage de cuir et de pneu recyclé.

Conclusion

Merci Enzo pour cette légende toute nimbée de poésie.

Généré avec Hugo
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