Après notre passage en altitude, notre troupe avait bien besoin d’une petite journée de pause, le mardi 2 septembre. Nous avons donc posé nos sacoches dans la petite ville de Chalhuanca, le temps de faire une grasse matinée (toute relative, c’est-à-dire jusqu’à 7 heure du matin), d’essayer de trouver une laverie (sans succès, nous laverons les slips à la main et resterons d’une propreté douteuse pour le reste des vêtements) et de profiter de la chaleur et du soleil. Comme ce que nous avons vu depuis Puquio, la culture quechua y est forte, la majorité des personnes parlent le quechua (qui est l’une des langues officielles du Pérou avec l’espagnol – appelé castillan ici – et l’aymara). Les traditions locales mêlent souvent rites ancestraux et coutumes apportées par les colons espagnols, dans un mélange parfois détonant ! Dans les hauteurs de Chalhuanca, une arène a été édifiée à côté de l’église. Il peut y avoir parfois des corridas, et fin juillet s’y déroulait auparavant la Yawar Fiesta, la fête du sang. Pour cette cérémonie, les locaux capturaient un condor (représentant le peuple local) qu’ils attachaient sur le dos d’un taureau (qui représentait le pouvoir local et/ou les colons espagnols), qui, au vu des serres de l’oiseau, se débattait forcément. Ce combat, fort en termes de symboles, tend à être proscrit depuis plusieurs années pour des raisons de protection animale. Dans la culture locale de ces vallées, on trouve aussi la Danza de les tijeras, la danse des ciseaux en français. C’est une danse rituelle, qui est un combat entre deux villages ou communautés, au cours de laquelle les danseurs peuvent s’affronter pendant plusieurs jours durant. Les danseurs, très respectés, effectuent cette danse avec des grands ciseaux à la main. Nous n’avons pas eu l’occasion de la voir, mais dans les vallées que nous avons parcourues ces derniers temps, partout cet art est représenté et ses danseurs célébrés. Cette région du Pérou paraît peu fréquentée par les étrangers. Nous n’y avons pour ainsi dire pas croisé d’autres gringos comme nous.
Nous profitons de cette journée pour faire un peu plus de leçons, une petite balade dans les hauteurs de la ville sur un chemin pour profiter de la vue (au grand dam des enfants qui ont crié au scandale :“une journée de pause, c’est une journée sans vélo !”), et une course en tuk-tuk, entassés à 5 sur la mini banquette arrière juste pour le plaisir de faire essayer ce moyen de transport aux enfants. Après un bon petit-déjeuner au marché (jus de fruits frais et petits pains omelette / avocat-fromage, miam miam ça serait tellement bien de pouvoir trouver ça en France !), nous repartons le mercredi 3 septembre avec pour seul objectif de continuer à se laisser glisser au fond de la vallée en suivant la rivière Hapurima : programme plutôt sympa ! En milieu de journée, après avoir parcouru 21 km sans aucun effort, Alicia a un souci sur son vélo, on s’arrête 30 secondes sur le bas-côté à l’entrée du village de Chacapuente. A peine arrêtés, nous sommes interpellés par des gens en plein travaux de l’autre côté de la route qui nous crient d’entrer chez les gens en face pour goûter la chicha… On décline poliment, mais devant leur insistance on finit par entrer dans le jardin des voisins qui nous accueillent très chaleureusement. Eux aussi sont en plein travaux pour finir les fondations d’une future maison. À peine les vélos sur leurs béquilles, nous nous retrouvons avec des verres de chicha (boisson de maïs fermentée) à la main. On se présente, ça papote, ça rigole, et très rapidement on nous sert chacun une assiette de caldito de pollo (soupe de poulet). Bon, l’ambiance travaux est plutôt bonne ! De fil en aiguille, on se dit qu’ils sont bien sympa et qu’on peut bien les aider un peu à finir les fondations, on n’a pas grand-chose d’autre de prévu aujourd’hui… Bref, chez Dina, nous sommes restés tout l’après-midi, on a coulé du béton, jeter des gros cailloux dedans, on a parlé, et une fois les fondations finies, on a dansé, on a bu (un peu, les Péruviens avaient vachement plus soif), on a remangé, on a reparlé et comme il était tard, Dina a fini par nous offrir de dormir dans la petite salle de son restaurant. C’était vraiment une bonne rencontre comme on les aime, totalement fortuite mais vraiment sincère, avec des gens avec un sens de l’accueil au top. C’était la première expérience de ce type pour les enfants, ils ont adoré !
Après ça, on se disait qu’on allait peut-être, éventuellement, continuer notre chemin et avancer un peu… Ça, c’était sans compter sur notre arrivée, le lendemain après 60 km toujours au fond de ces magnifiques gorges, chez Gina et Jose à Quinta La Huerta à Yaca. Aïe aïe aïe, encore un lieu génial où rester. Dès que nous franchissons les portes de cette ferme / camping, nous savons déjà qu’il allait falloir être très convaincants pour réussir à en faire partir les enfants : un grand terrain enherbé, des arbres à escalader, une piscine, des fleurs partout, des poussins, des chiens, des chats, une balançoire… Une vision proche du paradis pour eux. Nous faisons la connaissance de Gina et Jose, propriétaires des lieux d’un certain âge, ainsi que de leur famille. Ceux qui le veulent viennent sur leur terrain pour profiter du lieu, surtout les week-ends, ainsi que de la délicieuse cuisine maison. La plupart des ingrédients qu’ils utilisent viennent de leur belle exploitation, située entre leur maison et la rivière : légumes, fruits, poules, maïs…
La seule et unique route qui passe au fond la vallée et qui dessert le lieu n’a été asphaltée qu’au début des années 2000, période à laquelle est également arrivée l’électricité. Leur fils Richie, à peine plus âgé que nous, a connu dans son enfance une époque où il n’y avait pas d’électricité à la maison et où il fallait aller à l’école à cheval ! Pendant de nombreuses années (jusqu’au Covid), ils ont accueilli de nombreux voyageurs qui restaient 1, 2, 3 semaines ou plus pour partager leur quotidien. Des gens avec un grand sens de l’accueil et du partage donc, et avec beaucoup de choses à raconter. Après une première journée chez eux, à profiter, à jouer avec les poussins pour les filles (chacune en ayant “adopté” un), à se baigner et à observer de loin ou in situ l’agitation des cuisines, impossible d’en faire décoller les enfants… En vérité, on est bien content d’avoir une excuse toute trouvée pour rester une journée de plus, avec comme objectif d’apprendre quelques recettes locales et… de revenir aux basiques, à savoir : préparer des crêpes pour nos hôtes !
Après quelques leçons, nous passons donc la deuxième journée en grande partie dans les cuisines, à observer, sentir, goûter les plats en préparation : cuy chactado (cochon d’inde), caja china (grosse pièce de porc cuite pendant des heures au feu de bois avec des patates douces), poivron farci, truite frite, mote (variété de maïs), sauce yatan, etc. à regarder la préparation des cochons d’Inde, à visiter l’exploitation-jardin avec Jose, aider comme nous pouvons en cuisine et bien sûr, trouver la meilleure façon de réussir à faire des crêpes dignes de ce nom. Tout ça se termine dans la bonne humeur autour d’un bon repas partagé franco-péruvien. C’est vraiment génial ! Encore une famille d’une grande générosité ! C’est précisément pour ce genre de rencontres qu’nous aimons cette façon de voyager, qui nous laisse l’opportunité de rentrer dans le quotidien des gens et de mieux sentir l’âme, ou les âmes, d’un pays !
Au moment de repartir, les filles ne veulent plus lâcher les poussins… Après quelques protestations, nous trouvons qu’elles lâchent un peu trop vite l’affaire, étonnant pour les têtes de mules que sont nos filles ! Et au moment d’enfourcher nos vélos, nous entendons un petit pépiement en provenance de leurs sacs à dos : elles y ont caché chacune “leur” poussin, bien au chaud dans leur polaire et avec une petite réserve de grains… Inutile de vous préciser que ces passagers clandestins ont vite été débarqués !
Les jours suivants sont moins tranquilles mais tout aussi chouettes. Nous filons vers Abancay que nous atteignons en une laborieuse journée car il faut bien remonter. Sans préambule, la forte montée succède à la longue descente, ça chauffe les cuisses. Le passage de la ville d’Abancay, aussi bien l’entrée que la sortie ne sont pas des plus agréables. La ville est toute en pente, pas une once de plat… Dans sa partie basse, nous passons dans ce qui semble être la zone dédiée aux garages / ateliers mécano, et un peu décharge il faut bien le dire. La chaussée est en très mauvais état, la trafic assez important. Après une nuit de repos, la sortie de la ville est éreintante, nous n’en voyons pas le bout.
Ça monte fort, tout le temps, et nous avons l’impression que la ville ne va jamais finir. Heureusement, nous finissons par retrouver les forêts d’eucalyptus si odorantes, quel plaisir de rouler dans cette senteur ! La journée est épuisante, nous grimpons 1000 mètres de dénivelé positif en une vingtaine de kilomètres et arrivons, heureux, dans le hameau de Waraccona juste au moment du coucher du soleil. Ruben nous prête un petit bout de champ pour y poser la tente, entre ses vaches, tout le monde sera couché tôt ce soir !
Le jour suivant, plus que 600 mètres de dénivelé positif pour atteindre le prochain col, « ya casi » comme on dit ! La météo est avec nous, pas de pluie mais de légers nuages qui nous maintiennent au frais, la route est bonne, on avance bien. En milieu de journée, nous passons le col et commençons la redescente de l’autre côté de la montagne. Au bout de quelques kilomètres, nous quittons la route principale pour Cusco et, en 45 minutes montre en main, nous avons parcouru en descente ce que nous avons rudement grimpé en une journée. Pour Nahuel, c’est toujours aussi frustrant de constater que « la descente, c’est vachement plus court que la montée" ! Notre étape du jour ce mardi 9 septembre : San Pedro de Cachora.
Notre destination secrète ? La suite au prochain épisode !
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