Après la traversée du désert de sel, l’entrée dans Uyuni n’a rien, vraiment rien d’une arrivée dans une oasis. Rues poussiéreuses, vent quotidien, pas de centre-ville un peu joli, point de départ d’excursions pour gringos donc prix pour gringos, bref, cette ville ne présente que peu d’intérêt… Heureusement, nous nous réfugions dans la casa de ciclista Puinguï de Myriam ! Et c’est bien ! Nous nous y installons pour quelques jours, enfin cinq jours pour être plus précis. Ici, rien de luxueux : une douche et un toilette pour tout le monde ; si affluence il y a, on partage bien sûr sa chambre avec des inconnus ; pas de lit mais des palettes sur lesquelles poser les matelas de bivouac. Mais l’ambiance y est chaleureuse ! Les chambres sont distribuées autour d’un patio central couvert, avec tables, bancs, hamacs, cuisine, chiens, chats et perroquet. Nous y partageons plusieurs repas avec tous les cyclistes qui arrivent chaque jour : argentins, polonais, tchèques, états-uniens, italiens (merci Claudio pour les bonbons et les gâteaux pour les enfants !), allemands, britanniques, etc. Il a fallu faire chauffer les cerveaux pour passer, parfois d’une phrase à l’autre de l’espagnol à l’anglais, puis au français pour revenir à l’espagnol.
Nous profitons principalement du séjour à Uyuni pour avancer sur le travail scolaire, dormir, faire un peu d’entretien et de réparation de vélo (Sofia ayant cassé des rayons sur sa roue arrière) et manger ! Des papas rellenas (pommes de terre farcies), empanadas saltenas, salades de légumes et même… du brocoli pour le plus grand plaisir des enfants ! Puis, alors que nous regardions pour la suite du programme à vélo vers la frontière, nous prenons connaissance de l’existence du ferrobus ! Pour ceux qui comme nous ne connaîtraient pas, imaginez un bus, un simple bus, bricolé pour pouvoir circuler sur des rails de train. Capacité : 30 personnes. Nombres de passages par semaine : 1. C’est un concept. Cette ligne de ferrobus circule entre les villes de Oruro au nord et Villazon à la frontière. Deux petits soucis cependant : alors qu’une employée de la gare nous avait informé que le train ne circulerait pas le mardi de cette semaine pour cause de jour férié, nous nous rendons compte qu’il est possible d’acheter sur internet des billets pour cette même date. Nous n’arrivons également pas à savoir s’il est possible de monter à bord avec notre barda et nos vélos. Mais comme on est joueurs, on achète les billets et attendons deux jours de plus. Et, le dit mardi matin, nous sommes à la gare à 5h30 sans savoir si nous pourrons monter dans ce fameux ferrobus, ni même s’il va passer. Au pire, on est prêt à pédaler exceptionnellement tôt !
Et finalement, contre toute attente, tout se passe très bien. Le ferrobus arrive (à l’heure !), nous chargeons tous nos bagages à l’intérieur sans aucun problème, les employés du ferrobus (le chauffeur, le mécanicien et son aide) nous aident très gentiment à charger les vélos sur le toit sans demander de supplément, nous montons dans ce tout petit mode de transport presque uniquement occupé par des boliviens, et nous partons (à l’heure !). Nous quittons la ville d’Uyuni en direction de Tupiza pour un trajet exceptionnel ! Les cinquante premiers kilomètres, la ligne de chemin de fer traverse une vaste plaine. Nous avons la chance de voir de nombreux troupeaux de lamas, de vigognes, mais surtout des nandous (sorte d’autruche), des viscachas (espèce de rongeurs) et même quelques flamants roses au loin. Puis, rapidement, le ferrobus se dirige vers des montagnes et nous nous y engouffrons. Là commence un trajet digne d’un petit train du far-west. Les rails serpentent au sein de paysages incroyables : canyons, montagnes colorées, ravins, etc. Parfois, il faut avoir le cœur bien accroché, quand on passe sur un petit pont de bois qui semble ne pas tenir sur grand-chose, ou qu’on aperçoit, là tout en bas, les vestiges de l’ancienne voie ferrée tombés dans la rivière à cause de la forte érosion ! Sujets au vertige s’abstenir…
Après six heures de voyage, nous arrivons dans la ville de Tupiza. Nous nous installons dans une auberge de jeunesse pour deux nuits car nous avons promis aux enfants une activité touristique qu’ils attendent avec impatience : une balade à cheval dans le canyon de l’Inca ! Nous avons perdu un peu en altitude et cela se sent : il fait bien plus doux et dans la ville, il y a une place centrale avec des arbres et même de l’herbe !! Même si le paysage autour reste très aride, ça fait du bien ce vert et ces fleurs !! Le lendemain, comme promis, nous passons la matinée à cheval, histoire de faire travailler d’autres muscles des jambes. Les enfants sont ravis, Alicia bien sûr, Sofia est très fière de monter son propre cheval, et Nahuel, après une petite blague de son cheval qui a la bonne idée de commencer la balade par une ruade, reprend rapidement confiance. Nous nous baladons entre des formations géologiques assez fascinantes, c’est magnifique !
Nous quittons Tupiza en ayant conscience que nous partons pour un beau morceau de trajet sur les jours à venir. Quelques kilomètres de plat descendant après être sortis de cette ville, nous attaquons une belle montée, pas très longue mais avec une pente assez forte. Le temps est à l’orage. Nous nous abritons le temps du déjeuner dans la toute petite école (vingt élèves de trois à douze ans) de Saladillo afin de laisser passer la pluie et les éclairs. Puis, en fin de journée, nous trouvons un coin un peu à l’abri pour la nuit. Ce soir, ce sera sur le bord du terrain de foot du petit village de Yuruma. Malgré la pluie et le petit orage de nuit, nous sommes bien au calme. C’est même grand luxe car nous montons les tentes sur de l’herbe ! Ça change des cailloux et de la poussière. Les enfants observent avec plaisir un chat blessé à la patte venir s’installer dans l’abside de leur tente pendant l’orage. Nahuel lit dans les arbres, les filles jouent au mouton / cheval / lama et sa bergère, comme tous les jours en ce moment. Tout est calme.
Le lendemain, dernière journée en Bolivie. Nous terminons laborieusement la belle montée entamée la veille, et filons vent de dos, sur un paysage qui est redevenu à peu près plat, jusqu’à Villazon pour nos derniers kilomètres en Bolivie. Arrivés en milieu d’après-midi, nous préférons attendre le lendemain pour passer sereinement la frontière. Nous entrons donc en Argentine le samedi 15 novembre par la frontière de La Quiaca, un peu tristes de quitter la Bolivie mais heureux de commencer à découvrir un nouveau pays ! Dès la frontière, on ressent une différence assez forte avec la Bolivie : en quelques centaines de mètres, on ne voit presque plus de cholitas avec leurs jupes volumineuses, place au combo jeans – T-shirt, plus de collectivos remplis à ras bord de personnes et de marchandises sur les routes mais des voitures particulières ! On ne se presse pas à La Quiaca, le temps d’acheter une nouvelle carte SIM pour le téléphone, d’essayer de trouver de l’argent liquide en essayant de ne pas trop se faire avoir sur les taux de change (mission impossible en Argentine !), de faire quelques courses, etc. C’est samedi, et samedi à La Quiaca, c’est jour de feria, avec notamment plein de petits stands d’empanadas, de salades de fruits et de fraises à la crème chantilly. On avait peur que les prix soient clairement plus élevés qu’en Bolivie, mais sur ces stands, ça reste très correct. Les prix seront sûrement plus élevés au sud, alors… on se fait plaisir ! On est gourmand… A force de traîner, de parler avec plein de curieux et d’autres cyclos qu’on croise, il finit par être un peu tard, et on décide de rester dormir à La Quiaca. Nous dormons dans un petit hostal où on se fait inviter par les proprios à un barbecue. Première nuit en Argentine, premier barbecue : le ton est donné !
Au départ de La Quiaca, le lendemain, nous sommes de nouveau sur l’altiplano, en enchaîne les grandes lignes droites dans la pampa, le vent souffle fort et… contre nous. C’est beau mais c’est dur, il faut s’armer de patience. Heureusement, quelque chose nous motive, dont nous avons parlé aux enfants : dans quelques dizaines de kilomètres nous attend la descente de l’altiplano, 190 kilomètres pour passer de 3500 à 1300 mètres d’altitude (San Salvador de Jujuy). Nous espérons n’avoir qu’à nous laisser plus ou moins glisser jusqu’en bas. Pour cette première étape en Argentine, nous battons notre record de distance en une journée : 75 km, malgré le vent qui ne cessera de monter dans l’après-midi. Nous essuierons même une tempête de sable, gommage gratuit offert ! Les dents croustillent mais la peau est douce. Le lendemain, après une belle dernière montée, nous quittons définitivement l’altiplano et arrivons au dernier col avant la descente : Très Cruces. On jubile, on a hâte de profiter de ces kilomètres faciles !
Là, si vous avez bien suivi jusqu’ici, vous devez vous demander : « Mais c’est quoi l’Arnaque du Siècle ??? ». Parce que bon, jusqu’ici, tout va bien. Eh bien, l’arnaque du siècle, c’est justement cette descente. Depuis le col, jusqu’en bas, soit près de 190 km, nous aurons eu 13 km à peu près de véritable descente, à savoir sans avoir besoin de forcer sur les pédales pour avancer. Donc soit sans vent, soit avec le vent dans le dos. Tout le reste du temps, nous aurons eu un FORT vent de face qui nous a obligé à pédaler bien souvent malgré le dénivelé négatif. C’était frustrant mais ça nous a quand même bien fait rigoler. Et surtout le paysage est resté superbe ! La géologie de la région doit être vraiment intéressante car ces montagnes sont fascinantes par leurs formes et leurs couleurs.
Premier soir après Très Cruces, après avoir essuyé un refus poli dans une école (“Le Directeur n’est pas là, je ne peux pas prendre la responsabilité de vous héberger.”), nous trouvons un joli petit coin de bivouac avec vue imprenable sur la petite vallée. Eau douce pas très loin, peu de vent, atmosphère très paisible, nuit étoilée, quel plaisir ! Bon, en termes gastronomiques, ce n’est toujours pas fou : on mange encore des pâtes vraiment mal cuites (la faute à l’altitude, mais aussi à la qualité du produit, pas au cuistot !). Au matin, comme depuis quelques jours, on essaye de partir entre 8h30 et 9h00. Le vent se levant au fur et à mesure de la journée, on essaye d’avancer au maximum le matin. Et on s’arrête pas trop tard le soir pour avoir le temps de profiter et de faire les leçons avec les enfants. La “descente” continue, on perd de l’altitude progressivement. Nous faisons étape à Huacalera pour la deuxième nuit dans cette vallée, dans un tout petit camping où nous sommes seuls, c’est royal.
Troisième journée, on sent un changement d’ambiance assez soudain, notamment à notre arrivée à Tilcara. Comme le dit Alicia, la mine un peu déconfite, en arrivant sur la petite place centrale, mignonne mais occupée intégralement par des échoppes à touristes et des restaurants pour gringos : « Ah, mince, c’est super touristique ! ». Le cœur de la ville est joli, mais on sent qu’on change clairement de monde pour un lieu beaucoup plus dédié au tourisme. Nous dormons ce soir-là dans un petit village assez similaire, Purmamarca, qui ne doit vivre dorénavant que du tourisme. Dans les rues du centre bourg, le nombre de restaurants et de logements pour touristes est vraiment impressionnant en comparaison avec le nombre de commerces “ordinaires” et logements de locaux. Trouver où dormir à un tarif accessible pour notre budget devient plus compliqué. C’est sûr, en Argentine, la tente sera plus souvent de sortie ! Heureusement, les paysages restent grandioses, les couleurs et formes des montagnes environnantes sont superbes !
Au quatrième jour de cette interminable descente, ascenseur émotionnel ! Un peu blasés par le vent, et comme Nahuel était patraque la veille, on retarde le réveil. On partira quand on partira, tant pis pour le vent ! Le vent souffle ENFIN dans notre dos !! On est super content, on se dit qu’on va enfin en profiter de cette descente ! Nous parcourons 13 km en très peu de temps, à une moyenne de 30 km/h sans rien faire. Quel pied ! Et tout à coup, sans aucun signe avant coureur, il y a en 15 secondes une bascule de vent et on se retrouve de nouveau à lutter contre un gros vent de face ! C’est dur !! Cette descente c’est l’arnaque du siècle ! Enfin, après une ultime belle montée face au vent, nous descendons fort d’un coup sur plusieurs centaines de mètres de dénivelé (et nous trouvons encore le moyen… d’être bloqué par un camion !). Et là, mais là !!! Quel bonheur ! En quelques kilomètres, les montagnes se couvrent d’arbres, tout devient vert, l’air plus humide et plus chaud : nous entrons dans la partie argentine de la forêt tropicale des Yungas ! Nous retrouvons des odeurs (notamment celle de la végétation humide) et des sons (des insectes !!!) oubliés depuis notre départ. Nous quittons la route principale pour une piste latérale, tout le monde se délecte de ce changement d’ambiance si soudain, les enfants n’en reviennent pas !
Grâce à une journée de pause pluvieuse au camping El Refugio de Yala, nous (re)découvrons le rythme de vie des Argentins au camping : lever vers 7h12, on allume évidemment direct la musique, si possible à un volume sonore élevé histoire d’être sûr de ne pas entendre de silence. 7h13, on allume le barbecue en prévision des 15 kg de viande à faire cuire pour le petit déjeuner. Toute la journée : on alterne baignade, grosse rigolade et… barbecue évidemment ! 22h00, on monte le son encore plus fort pour être sûrs de ne pas respecter l’interdiction de faire du bruit après 21h30, 3h00, on est fatigué, on va se coucher. Et le lendemain : on recommence. Et on exagère à peine… Les trois jours suivants sont du pur délice. On traverse rapidement San Salvador de Jujuy, où à part trouver de bons empanadas, nous n’avons pas grand-chose à faire. On installe le bivouac au bord d’une petite rivière avec un couple de cyclistes Colombiens rencontrés sur la route le jour même.
Le jour suivant, la route nous mène sur de magnifiques lacets en pente douce à travers la forêt humide. Le soleil brille, nous roulons à l’ombre de grands arbres, c’est magnifique. Quel changement d’ambiance comparé aux canyons arides d’il y a quelques jours ! En milieu de journée, nous atteignons un petit camping avec piscine comme nous l’avions promis aux enfants. Pas de bol, impossible de trouver de quoi faire des courses sur notre route… Nous déjeunons de succulents petits crackers bien secs à la confiture ! Mais pendant qu’Olivier part faire quelques cours au village d’après, nous sommes très chaleureusement invités par une famille argentine voisine qui prépare son barbecue dominical. Devant les kilos de viande en préparation, Nahuel a les yeux qui brillent. Nous passons donc tout notre après-midi avec la famille Sosa. C’était super, quel accueil et quelle spontanéité, ce sont vraiment des moments de partage à l’improviste comme on les aime !
Et enfin, après plus d’une semaine après notre passage de la frontière, nous entrons dans la belle ville de Salta. Nous allons y rester plusieurs jours, le temps de faire une belle pause (de laver le linge, réparer/entretenir les vélos, faire plein de devoirs, etc.) et de préparer notre départ en bus pour la Patagonie ! Mais ça, c’est pour le prochain épisode !
1 – Nous souhaitons limiter l’exposition des enfants sur internet. Famille et amis, envoyez-nous votre mail si vous souhaitez accéder à des pages privées avec plus de photos.
2 – Il semble que le système de commentaires d’article soit un peu capricieux. Apparemment il fonctionne bien avec le navigateur Firefox (que ce soit sur ordinateur ou téléphone) mais pas vraiment avec les autres (Opera, Chrome). Si vous voulez nous laisser un petit message, essayer avec ce navigateur.






























































































