Le grand blanc

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La Paz, dernier arrêt avant notre étape qui nous mènerait au Salar ! Mais avant de profiter de cette région, nous avions envie de profiter de cette immense et intrigante ville, et de la faire découvrir aux enfants. Nous étions déjà passés par la Paz il y a 14 ans et en nous avions envie d’en voir un peu plus. Le 24 octobre, notre arrivée se fait vraiment facilement grâce à Mitlon qui nous a accompagne jusqu’à sa maison en taxi. Nous sommes soulagés d’avoir choisi de rentrer dans la Paz en moyen motorisé, mais quel enfer ça doit être de se déplacer au quotidien en voiture dans cette ville !! C’est vraiment un chaos sans nom… Nous allons passer ces quelques jours dans la maison de Mitlon, qui nous la loue pour pas grand-chose. Deux chambres (bon, seulement deux lits simples), une salle de bain avec de l’eau chaude, une cuisine, de l’espace et des canapés. C’est le grand luxe !

Comme d’habitude, on fait les tâches classiques qui occupent une partie de nos pauses : courses pour la suite, leçons, lessives ; bricolages (de vélos et autres). Et on se balade bien sûr ! La Paz n’est pas une belle ville, mais c’est une ville qui a du charme. Pour sa taille, elle est vraiment hors du commun. Située entre 3000 m et 4000 m, elle est répartie sur les bords et au fond d’une immense cuvette, et quelques collines. Entre le bas et le haut, le climat est assez différent : beaucoup plus doux en bas, froid et sec dans les hauteurs. Du fait ces différences de climat, on note un écart gigantesque de niveau de vie de la population entre les deux extrêmes de la ville : aux riches les bas quartiers moins rudes, aux plus pauvres le froid piquant de l’altiplano. Depuis notre venue en 2014, et pour faciliter la circulation des personnes, la ville s’est équipée d’un réseau moderne et super efficace de téléphériques. Nous profitons évidemment largement de ce moyen de transport en commun original, pour le plus grand plaisir des enfants ! En faisant le tour de la ville par les airs, les différences de niveau de vie sautent aux yeux. En bas, on trouve de grands et modernes immeubles, la population moyenne semble plutôt bien vivre. Et plus on monte, plus l’habitat se dégrade ainsi que l’état des rues.

Nous profitons bien évidemment des petits déjeuners du marché, flânons dans les rues touristiques de la ville, goûtons les spécialités locales dans les petites échoppes de rue, faisons le plein de vitamines en engloutissant fruits et légumes. Le quartier où nous logeons est assez chouette. Ni quartier à gringos, ni favelas, c’est le bon endroit pour profiter de la vie paceña. Autour de la maison, il y a quantité de lieux de fête, appelés salon de eventos, et chaque jour, une rue au moins est bloquée pour un défilé ou un concours de danse ! Nous sommes également à quelques minutes d’un grand marché qui se tient dans les rues. Bref, c’est très vivant !

Au bout de trois jours, nous sommes contents de notre séjour mais l’envie de continuer reprend le dessus. Les prévisions météo sont maintenant favorables : si tout va bien, nous allons normalement pouvoir profiter du Salar d’Uyuni, étape attendue du voyage ! Comme pour l’entrée dans la Paz, nous ne voulons pas sortir de cette tentaculaire ville en vélo. Nous prenons donc un bus jusqu’à Oruro puis Santiago de Huari. Nous nous évitons ainsi une belle portion de route qui ne nous avait pas laissé un souvenir impérissable il y a 14 ans. Et nous en sommes bien contents ! La sortie de la ville aurait été un cauchemar : les bouchons sont partout, les automobilistes ne semblent respecter aucun code de la route, les files d’attente interminables (parfois plusieurs jours !, c’est la crise du carburant en Bolivie comme d’habitude) aux stations services empiètent très largement sur la route, et cette dernière est en travaux sur des kilomètres et des kilomètres.

A la fin de notre trajet en bus, à l’approche de Santiago de Huari, durant les 5 dernières minutes, une dame, Maxima, commence à nous parler, curieuse de savoir qui nous sommes et où nous allons. Au bout de 2 minutes chrono, comprenant que nous n’avons pas encore de plan pour dormir, et qu’il fait nuit, elle nous invite très gentiment à dormir chez elle. Trop facile l’arrivée à Huari ! Merci Maxima ! Nous profitons donc d’une bonne et reposante nuit, et le lendemain, c’est reparti ! Tout le monde est remonté à bloc, motivé pour atteindre le Salar. Nous commençons par quelques kilomètres sur la route principale, puis rapidement, nous prenons l’axe secondaire qui nous mènera à la ville de Salinas de Garci Mendoza. Au menu des trois prochains jours : vent de face, grandes lignes droites et plates, quelques montées et du désert. Mais c’est de l’asphalte, donc c’est facile ! Déjà, au loin, très loin, le volcan Thunupa apparaît : il est impressionnant. Il restera dans notre champ de vision pendant toute la semaine à venir puisque nous allons l’approcher puis le contourner !

Ce premier soir, nous arrivons au (tout) petit village de Bengal Vinto. Il y a beaucoup de vent, nous cherchons à planter la tente à peu près à l’abri du vent. Les enfants viennent de finir l’école, nous demandons si nous pouvons dormir à l’intérieur. Olivier propose aux enfants des tours sur le vélo de Sofia, en FollowMe : gros succès, les enfants font la queue pour essayer le vélo des gringos. Les distractions étant très (très) limitées, les instituteurs laissent l’accès de la cour aux enfants pour qu’ils jouent. Nahuel, Alicia et Sofia, qui devaient initialement faire leurs leçons, sont donc ravis de jouer avec tous ces copains d’un soir, qui les accueillent très gentiment dans leurs jeux. Ils sont super contents de passer du temps avec d’autres enfants ! Et c’est vraiment un plaisir pour nous, parents, de les voir oser interagir et même tenter quelques phrases en espagnol. Nous dormons donc ce soir-là bien à l’abri dans une salle de classe, et le lendemain nous retardons notre départ afin que les enfants puissent dire au revoir à leurs copains.

Jour 2. Toujours des lignes droites, toujours du vent. Nous longeons de plus en plus de champs de quinoa, la région est connue pour produire la quinoa royale. Nous passons par ici alors que les agriculteurs viennent de semer (contrairement à nous, ils attendent les premières pluies), difficile d’imaginer la verdure à venir dans ces champs de sable désolés… et toujours aussi étonnant de voir certaines maisons si éloignées de tout. Nous peinons à imaginer la difficulté de ces conditions de vie. Notre étape du soir sera Jayo Qota, où nous nous installons pour un superbe bivouac au bord d’un cratère, à l’abri du vent entre des murs de pierre. La vue est magnifique, le seul bruit est celui du vent. Quel plaisir !

Enfin, le lendemain, nous arrivons à Salinas de Garci Mendoza, après une belle journée pendant laquelle nous nous approchons petit à petit du Thunupa et le Salar commence à se deviner ! Nous faisons une journée de pause, avec l’idée d’aller visiter un site archéologique non loin de Salinas. Pas de bol, nous sommes le 31 octobre et les festivités de Todos Santos (la Toussaint) commencent : personne ne semble faire le trajet en moyen motorisé jusqu’au site, un peu trop éloigné pour y aller en vélo sur la journée. Mais cela va nous permettre de voir comment les gens ici fêtent leurs morts. Chaque famille installe dans sa maison un autel à la mémoire du défunt. La première année, un grand autel jusqu’au plafond avec des cannes à sucre symbolisant une échelle permettant la descente des âmes du ciel jusqu’à la terre. Les années suivantes, l’autel sera de plus en plus petit. On installe sur l’autel la photo du défunt, des pains, des sucreries, de la boisson, etc, tout ce que le défunt aimait. Puis vient le temps de la prière et de la veille. A partir du 31 au soir et jusqu’au lendemain, les enfants passent dans les maisons et prient pour l’âme du défunt en échange des quelques pains et friandises présents sur l’autel. Échange de bons procédés ! Quant aux adultes, la plupart boivent des bières sans discontinuer toute la nuit, ce qui donne une drôle d’ambiance au petit matin avec des groupes de personnes complètement borrachos un peu partout, bien fatiguées mais encore un peu excitées.

Après avoir refait le plein de nourriture (enfin surtout des biscuits tout secs, des pâtes et de la confiture, on n’a pas trouvé grand-chose de plus sur place, le boulanger aussi a trop bu donc pas de pain), nous quittons Salinas pour notre « roulage d’approche » pour le Salar. Fini l’asphalte pour quelques dizaines de kilomètres. Mais la piste est bien meilleure que dans notre souvenir : nous avions en mémoire quelques bonnes portions de pousse-pousse dans le sable et un paysage désertique. Finalement, nous aurons quelques passages dans des bacs à sable, mais pas tant que ça. Et nous passons près de quelques petits villages dont nous n’avions aucun souvenir, avec même quelques arbres, du vert dans tout ce minéral ! Et finalement, au détour d’une petite montée, le Salar se dévoile d’un coup ! Les enfants s’extasient, les parents aussi, tout le monde est heureux de voir enfin ce paysage si souvent évoqué.

Arrivant tôt à Tahua, village “portuaire” au bord du Salar, nous commençons par faire les leçons sur la place du village. L’occasion pour une petite dame, assez âgée, de nous manifester longuement sa désapprobation d’emmener des enfants à vélo sur le Salar et de nous mettre en garde sur le froid que nous allons y trouver. L’occasion également pour un vieux monsieur aveugle de nous prodiguer de précieux conseils pour rouler sur cette grande surface blanche : « Roulez les yeux fermés, et mettez du coton sur vos yeux ». Ok, bon, ben merci ! Ce sont encore les festivités de la fête des morts, tout le monde continue à célébrer et la large majorité des adultes, hommes et femmes, sont complètement alcoolisés. Difficile de demander l’hospitalité ! Nous nous trouvons finalement un petit spot de bivouac très sympa, légèrement en hauteur, ce qui nous permet de profiter d’une belle vue sur l’entrée du Salar.

Et, enfin !, nous entrons sur le Salar par le nord le 3 novembre. Les enfants sont super contents et fiers d’être arrivés jusqu’ici, les premiers tours de roue sur le sel se font dans l’excitation. On a beau l’avoir déjà vu, cette immense étendue de sel à l’infini ou presque, c’est toujours aussi incroyable. On part sur le Salar un peu comme on part en bateau : il faut faire attention aux quantités de nourriture et d’eau potable embarquées, on prend un cap, on fait attention au sens du vent (qui souffle presque toujours vers l’ouest, ce qui nous arrange bien). Que du blanc autour de nous, les seuls repères que nous avons sont les montagnes, loin, très loin à l’horizon. La “navigation” n’est pas compliquée du tout, il suffit de suivre les traces laissées par les 4x4 touristiques qui vont tous aux mêmes endroits. L’île Incahuasi, notre première étape, est invisible au départ. Puis, en avançant, un petit point sombre apparaît à l’horizon, tout petit d’abord puis de plus en plus gros jusqu’à devenir une île. L’absence de repères visuels sur cette si grande surface rend difficile l’évaluation des distances. Alors qu’il nous reste encore 10 km, l’île nous paraît pourtant à portée de main. En début d’après-midi, nous “accostons” finalement. Sofia aura pédalé 40 km toute seule, elle est très fière !

Après un après-midi à profiter du lieu, incroyablement fréquenté par les touristes guidés et motorisés, nous posons la tente à l’abri (très relatif) du comedor sur place. En fin d’après-midi, incroyable, plus aucun touriste sur l’île, nous avons le petit sentier de randonnée qui fait le tour de l’île pour nous tout seul. Nous y grimpons pour y admirer le coucher du soleil, c’est MAGIQUE ! Être ainsi, juste nous cinq, au sommet de cette île comme un vaisseau posé sur la banquise, ces cactus, ces couleurs, cette paix… c’était inoubliable ! Nous avons la chance de dîner avec Alfredo, propriétaire du restaurant et qui nous raconte en partie sa vie. Il vit sur cette île au milieu du Salar depuis 1985. Il a été visionnaire en imaginant du tourisme ici… Au début, il a vécu plusieurs années seuls, se déplaçant d’île en île à pied ou à vélo, dormant dans des grottes et se débrouillant pour gérer sa nourriture et son eau. Il faisait par exemple l"aller-retour à Tahua en vélo une fois par semaine pour se ravitailler en eau. C’était un récit assez incroyable !

Au matin, réveil à 5h30 par les premiers touristes qui, à défaut d’admirer le coucher du soleil, veulent profiter de son lever. Au moins nous sommes prêts tôt ! Nous en profitons pour refaire une balade sur l’île afin d’y admirer ces formations géologiques hors du commun. L’île Incahuasi est une île d’origine volcanique recouverte de corail fossilisé. A 3600 m d’altitude, c’est assez étonnant… Puis, départ cap à l’ouest ! Les premiers 40 kilomètres sont assez perturbants : aucun repère à l’horizon, on a l’impression de pédaler sans que rien ne change autour de nous, comme dans un rêve. La piste est plutôt bonne, le vent se lève dans notre dos, ça roule ! Après la pause déjeuner, et une séance photo, les 20 derniers kilomètres de la journée sont plus difficiles car la piste est bien plus cabossée. De nombreux trous dans la couche de sel laissent apparaître l’eau en dessous et de belles formations de cristaux de sel, il faut faire du slalom. En milieu d’après-midi, nous arrivons à un hôtel de sel, à 10 km environ de la berge. Nous demandons à la jeune femme qui tient la petite boutique l’autorisation de camper à l’extérieur à l’abri des murs, et elle nous invite directement à dormir à l’intérieur dans la grande salle de restaurant : bivouac de luxe !

Le jour suivant, nous finissons notre traversée du Salar en arrivant à Colchani. Nous sommes ravis d’avoir fait le trajet dans ce sens, l’arrivée à Colchani est vraiment moche, le Salar est labouré de traces de 4x4, et la piste finit par une sorte de mini-autoroute. Nous terminons les derniers 25 kilomètres jusqu’à Uyuni avec un vent de dos, facile !

Nous sommes donc actuellement à Uyuni dans une casa de ciclista et préparons la suite du voyage, toujours vers le sud. Mais ça, c’est pour un prochain épisode !


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