La route entre Crater Lake et la Californie a été pour nous pleine de bonnes surprises. Ces quelques jours n’étaient à l’origine pour nous qu’une transition entre deux étapes du voyage, mais ils se sont finalement révélés très riches en rencontres. Depuis notre jour de repos après Crater Lake, la route est devenue progressivement plus plate et le paysage moins sauvage : nous sommes sortis de l’immense forêt que nous traversions depuis cinq jours et les fermes ont de nouveau fait leur apparition.
Notre première halte fût à Gold Hill. Comme son nom l’indique, cette ville est née de la fièvre de l’or à la fin du 19 siècle. Après avoir rebroussé chemin à la vue des tarifs prohibitifs pratiqués par le camping du coin, nous avons décidé de dormir chez l’habitant. Un petit jardin assorti d’un beau potager a attiré notre regard. Ken et sa femme ont accepté sans hésiter que l’on monte la tente dans leur jardin, et nous étions invité à dîner avant même d’avoir eu le temps de commencer à déballer nos affaires. Au menu, un repas typique du sud des USA : pain de maïs maison, haricots, oignons et tomates du potager et un Roll à la cannelle en dessert. Après quelques jours à carburer aux pâtes et au riz, ça fait du bien de manger bon !
Le lendemain, nous étions assez indécis sur notre prochaine ville étape et avions décidé de prendre notre temps. Nous étions en train de déjeuner devant la bibliothèque de la ville de Grants Pass lorsqu’une femme nous a abordé spontanément. Après une petite présentation de nous et notre voyage, c’est rapidement devenu très intéressant :
– (elle) et vous savez où dormir ce soir ?
– (nous, très intéressés par la tournure que prend la conversation) Non…
– Ok, venez donc à la maison, pour pourrez dormir sur un lit. Je travaille de nuit, il faut juste que je demande à mon mari s’il ne rentre pas trop tard.
– (suit un coup de téléphone et le résultat) Désolé, il finira trop tard.
– (nous, très déçus) Tant pis ça n’est pas grave…
– (elle, nous coupant) mais un de mes amis sera très heureux de nous accueillir !
– (suit un autre coup de téléphone, et le résultat) Ok pas de problème, retrouvez le chez Spin Cycles dans une heure.
Voilà comment nous nous sommes retrouvés chez Henry et Laura. Henry est un fan de vélo. Assemblés ou en morceaux, les tandems, vélos couchés, vélos normaux, etc, sont présents partout dans la maison. Les figurines et stickers se rapportant à sa passion sont omniprésents : vêtements, casquettes, plaque d’immatriculation, réfrigérateur et même dans le bureau. Henry travaille à domicile la majeure partie de la semaine (à la boutique de vélo l’autre partie). Nous avons été très intéressés quand il nous a présenté son métier pour le moins original : fabricant de dentier. Le matin, il va chercher (en vélo, vous vous en doutiez) la commande de la journée (sous la forme d’un moulage de mâchoires), et il livre le dentier en fin d’après-midi. Son temps libre est passé à faire du vélo ! Encore une fois, nous avons été invités à faire comme chez nous. Nous avons beaucoup échangé, passé une excellente soirée et… dormi dans un vrai lit avec une couette… Bref, une très belle rencontre ! Cerise sur le gâteau, Laura nous a fait de véritables pancakes pour le petit-déjeuner ! Beurrés et arrosés généreusement de sirop d’érable, c’est non seulement délicieux, mais cela produit aussi des effets comparables à un bon dopant durant une matinée entière.
Au cours de la journée suivante, nous avons recommencé à prendre de l’altitude. Notre objectif était d’avancer au plus près de la frontière entre l’Oregon et la Californie pour pouvoir redescendre rapidement vers l’océan. Notre dernière journée en Oregon a été magnifique, sous un grand ciel bleu et un chaud soleil. Les pancakes de Laura nous ont permis d’avancer plus vite que prévu et nous sommes arrivés pour la nuit dans le tout petit village de O’Brien. Nous nous sommes demandé si nous arriverions à trouver un petit jardin accueillant pour la tente, tant le nombre de maisons était faible. Mais encore une fois, la soirée a dépassé nos espérances car, non content d’êtres des hôtes très chaleureux, nous offrant une place pour la tente sur une herbe épaisse, Ken et Milly sont de fins gourmets.
Au menu du dîner : soupe de tomates maison, sandwichs à la salade de thon… maison, salade à la feta, vin rouge, fromage français AOC et glace en dessert (ou plutôt crème glacée, la traduction littérale est au combien plus appropriée), le tout accompagné d’une très agréable conversation sur la gastronomie et le passé de sous-marinier de Ken. Et pour bien démarrer le lendemain, Ken nous a fait découvrir notre premier porridge (avoine bouilli saupoudré de sucre roux, fruits secs et cacahuètes). Un vrai régal !
Le lendemain matin, nous sommes enfin entrés en Californie, en direction de la forêt de Redwood et de la ville côtière de Crescent City. Après avoir monté pendant quelques miles et passé la frontière Oregon-Californie, nous nous sommes fait plaisir en descendant vers l’océan Pacifique pendant plus de 20 kilomètres. Le temps était radieux et la route très étroite, descendant sur le flanc d’une montagne pour rejoindre la Smith River : une vraie route de montagne, avec la falaise d’un côté et un ravin de l’autre. Que du bonheur !
Beaucoup de personnes nous avaient vanté la beauté de Redwod Forest et de ses séquoias géants (certains dépassent allègrement les 100 mètres de hauteur !). On nous avait recommandé un petit sentier passant au cœur de la forêt pour rejoindre la côte. Pour la nuit, nous nous sommes arrêtés dans un camping à l’entrée de cette forêt. En guise de bienvenue, on y trouve un panneau stipulant :
Attention - des ours sont dans ce camping ! […] Ne pas laisser de nourriture dans les véhicules.
Sur chaque emplacement, un caisson blindé bear proof permet de ranger nourriture et tout produit odorant (dentifrice, etc.) pour éviter d’attirer les ours à proximité des tentes. On peut vous assurer qu’on vérifie à deux reprises qu’aucune nourriture n’a été oublié dans une des sacoches pour pouvoir dormir tranquillement !
Camping into the wild ?
Redwood Forest
Le jour d’après, nous avons donc pédalé quelques kilomètres au milieu des séquoias géants, nos premiers ! C’était vraiment très impressionnant ! Puis, à la sortie de la forêt, au détour d’un virage, le Pacifique est enfin apparu ! Après une ultime descente et quelques coups de pédales, nous étions sur la plage !!!