Depuis notre arrivée au Pérou, il y a plus d’un mois, nous tentions de résoudre un dilemme : aller ou ne pas aller visiter le Machu Picchu ?? Plusieurs arguments pesaient dans la balance. Les enfants, à qui nous avions parlé du lieu que nous avions déjà visité en 2012, rêvaient de le voir de leurs propres yeux. Il faut bien l’avouer, malgré le coût exorbitant de l’entrée et bien que très touristique, ce lieu nous avait conquis par sa beauté, son mystère, l’incroyable technique des Incas pour l’édification des murs, même l’environnement du Machu Picchu est superbe. Bref, nous avions beaucoup aimé la visite et toute la famille était motivée pour y aller.
Mais lorsque nous avons commencé à actualiser nos informations, nos ardeurs ont vite été refroidies… Les conditions d’exploitation du site, par le gouvernement péruvien, ont largement évolué :
- Lors de notre venue en 2012, 2500 personnes au maximum pouvaient être admises chaque jour. Aujourd’hui, ce chiffre monte en haute saison à 5600 personnes.
- Il y a 13 ans, on pouvait acheter son billet d’entrée quelques jours en avance, se rendre sur le site et profiter en toute liberté de l’intégralité du site, du lever du soleil jusqu’à la fin de la journée si on le souhaitait. Dorénavant, la visite se limite au maximum à 4h (affluence oblige) ; lors de l’achat de l’entrée, il faut choisir un “circuit” qui ne donne de toute façon pas accès à tout le site (à moins d’acheter plusieurs “circuits” et donc de payer encore plus cher) ; chaque circuit ne peut se réaliser que dans un sens, interdisant tout retour en arrière et imposant de suivre le flux de visiteurs. Sans compter que, ayant regardé fin août, il ne restait des places que courant octobre. Conjugué au fait que, étant à vélo, il était bien difficile pour nous de prévoir une date de visite au Machu Picchu…
Bref, cela nous a rapidement totalement ôté l’envie de visiter ce lieu magnifique, mais qui est maintenant malheureusement saturé de visiteurs, devenu l’une des vaches à lait du Ministère du Tourisme et victime du tourisme de masse, c’est dommage.
Heureusement, nous avions un plan B ! Quelques copains voyageurs (merci Anne-So, Rémi et Jimmy !) nous avaient parlé d’une mystérieuse citadelle Inca, connue pour avoir été l’un des derniers refuges de ce peuple lors de l’invasion espagnole, et toujours uniquement accessible à pied après une marche plutôt… exigeante. Cela avait fortement attisé notre curiosité mais la contrainte de l’accès nous posait question avec trois enfants de 11, 9 et 7 ans. Après la déception de laisser tomber le projet Machu Picchu, nous avons commencé à reconsidérer de façon plus sérieuse cette idée. Et c’est ainsi que, au départ de la ville d’Abancay, nous avions un nouveau projet : objectif Choquequirao !
7 km après le passage du col au-dessus d’Abancay, nous avons donc quitté la route qui aurait dû nous mener à Curahuasi et avons bifurqué pour faire notre “petit” détour par Choquequirao. Première étape : le petit village de San Pedro de Cachora où nous arrivons en milieu de journée le mardi 9 septembre. Première surprise : comme il s’agit du point de départ du trek pour Choquequirao, nous nous attendions à une certaine affluence mais c’est calme plat dans le centre du village. A part quelques affiches en anglais à destination des gringos qui nous indique que ce lieu est un peu connu, le nombre de touristes croisés se compte sur les doigts de la main. L’“alojamiento” que nous trouvons, la Casa Salcantay, est super, avec un rapport qualité-prix extra, sa gérante, Katerine, aux petits soins, et une vue vraiment magnifique sur la vallée. De là, nous organisons le départ pour le jeudi 11 septembre. Comme le parcours à l’air réalisable mais tout de même ambitieux, pour la première fois nous choisissons de prendre un guide ainsi que 2 chevaux qui nous permettront de porter nos affaires et Sofia si vraiment elle ne se sent plus de marcher. Mais… mais… Alicia vomit le mercredi, on décale tout au vendredi. Décidément, ça ne tombe jamais quand ça nous arrange les problèmes gastriques ! On profite de Cachora, ce petit village est vraiment paisible, la terrasse face aux montagnes enneigées est plutôt agréable pour faire les leçons. Le jeudi, Marie va au marché avec Katerine pour y acheter de la muna, plante réputée pour aider à apaiser les maux de ventre. Au retour, Katerine nous apprend à cuisiner du tarwi et nous invite à manger par la même occasion. Et le vendredi, tout le monde est prêt à 6 heures du matin pour partir avec notre guide pour une super randonnée !
A 7h00, nous sommes au mirador de Capuliyoc, à 3000 m d’altitude. La randonnée commence vraiment et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est mi-époustouflant mi-flippant… Devant nous, en bas, s’étend le canyon de l’Apurimac, 1500 mètres de vide jusqu’au lit de l’imposante rivière, un paysage à couper le souffle. Le chemin plonge sans préambule vers le bas, nous pouvons voir presque l’intégralité du chemin jusqu’à notre objectif. Le programme du jour : descendre jusqu’à la rivière, la traverser puis remonter les 1500 mètres de dénivelé en face pour se hisser en haut de l’autre versant du canyon. Gloups ! Nous sommes accompagnés de Angel, notre guide, et de Doris, son “assistante” en formation pour devenir guide. Avec nous (enfin essentiellement devant nous), Climaco mène ses deux chevaux, l’un porte nos affaires, l’autre est en renfort en cas de coup de mou des enfants. Il est extrêmement impressionnant : il porte de petites sandales et marche vraiment à une bonne vitesse, en montée comme en descente.
La végétation est magnifique : au cours de la descente, nous traversons d’abord toute une zone à l’herbe sèche puis, en changeant de pan de montagne, nous arrivons dans un paysage digne d’un western : rocaille, poussière, cactus, arbres secs… c’est magnifique ! Le long du parcours jusqu’à Choquequirao s’égrainent 3 petits lieux où il est possible de se ravitailler, manger et/ou dormir. Nous faisons une petite pause casse-croûte à Chiquisca, puis finissons la descente. Nous arrivons au pont qui traverse l’Apurimac, et sommes prêts pour la montée… à 12h30, en plein cagnard ! Eh oui, nous ne sommes « plus qu’à » 1500 m d’altitude et il fait vraiment super chaud ! Le début est plutôt laborieux, Alicia est un peu patraque. Nous hissons les deux filles sur un des chevaux et continuons. Et c’est à ce moment que j’ai (Marie) testé pour vous, l’hypoglycémie en grosse randonnée ! Ça ne m’était jamais arrivé, je n’ai donc rien vu venir et ai mis du temps à comprendre ce qui n’allait pas. Au début, nous pensons à un coup de chaud : j’ai le souffle court, une barre à travers le ventre et vraiment, je n’arrive plus à avancer. Mais alors plus du tout. Je ne sais pas trop comment, j’arrive à grimper les 500 mètres de dénivelé positifs entre le pont et Santa Rosa Baja, mais les 200 mètres suivant jusqu’à Santa Rosa Alta me paraissent durer des heures. Olivier me traîne laborieusement (littéralement), et je m’effondre à Santa Rosa Alta. Honnêtement, dans ma tête c’était plié, on allait faire demi-tour. Heureusement, je m’engloutis un gros demi-litre de soda américain, des gâteaux, plein de sucre quoi, je dors une demi-heure, et ça repart !
Heureusement, les 700 mètres de dénivelé restants se font beaucoup plus simplement. Non pas que la pente soit moins forte, mais au moins nous sommes à l’ombre du soleil qui est déjà passé de l’autre côté de la montagne. La végétation a changé, il y a pas mal de petits arbustes qui maintiennent un semblant de frais. Les filles sont à cheval et Nahuel est super endurant, il nous épate : il a marché toute la journée et a supporté tout ce dénivelé sans broncher et le sourire aux lèvres. Nous arrivons juste après le coucher du soleil à Marampata, nous sommes fatigués mais émus et fiers d’avoir réussi à monter jusque là. La vue est à couper le souffle (encore), nous restons époustouflés devant tant de beauté. Nous aurions pu rester assis par terre à contempler le canyon de l’Apurimac encore des heures, mais le froid et la fatigue nous ont jeté au lit très rapidement, non sans avoir englouti une soupe et un pollo a la plancha accompagné de sa purée.
Jour 2 : on visite Choquequirao !! On pensait que ce serait une journée tranquille durant laquelle nos cuisses et mollets pourraient se reposer : absolument pas. Le cheval pour Sofia ne peut pas nous accompagner, le sentier est trop escarpé. Et en effet, la fin de la marche d’approche pour arriver sur le site à proprement parler n’est pas une balade de curiste. Ça monte et ça descend encore pas mal. La végétation change encore, c’est génial, on entre dans une forêt humide bien plus dense, où les arbres sont recouverts de nombreuses plantes épiphytes.
Enfin nous finissons par entrer dans la citadelle de Choquequirao ! Cette ancienne cité Inca, dont le nom signifie « berceau de l’or » en quechua, est très similaire par son organisation au Machu Picchu. On estime qu’elle est cependant beaucoup plus grande que ce dernier : 70 % du site serait encore enfoui sous la végétation. On pense qu’elle a servi de refuge et de lieu de résistance aux derniers incas réfugiés depuis Cusco lors de son siège par les Espagnols. Elle a été édifiée sur un éperon rocheux qui permet d’avoir une vue extraordinaire sur le canyon de l’Apurimac, idéal pour surveiller d’éventuels envahisseurs. Son isolement rajoute au côté mystérieux, et en tout cas cela nous a permis une visite quasi privée car nous n’avons pas croisé plus de 20 personnes sur le site de toute la journée ! Nous avons passé quelques heures à déambuler dans les ruines en compagnie de Angel, notre guide, qui nous a permis de mieux comprendre le site, des terrasses bâties sur des pentes à la déclivité impressionnante aux greniers, en passant par la place centrale, les lieux de culte et les réseaux d’irrigation. Nous avons même eu un énorme coup de chance : nous avons pu observer trois condors, dont un est passé à peine à 10 mètres au-dessus de nos têtes. Nous sommes tous restés bouche-bée, guide inclut ! Bref, une visite vraiment inoubliable !
Après cela, il a fallu refaire tout le chemin en sens inverse. Après une seconde nuit à Marampata conclue par un petit déjeuner à 6h du matin, nous sommes redescendus jusqu’à l’Apurimac et avons commencé l’ascension sur l’autre versant mais nous sommes arrêtés en milieu de journée pour faire étape à Chiquisca, trempés de transpiration et poussiéreux. Nous nous sommes posés tout l’après-midi les fesses sur une terrasse herbeuse avec vue imprenable sur le fleuve, à se reposer à l’ombre, à papoter, dessiner, lire et profiter de notre chance d’être là !
Puis enfin, au matin du quatrième jour, après un petit-déjeuner pris à 5 heures, nous partons pour grimper les 1000 mètres de dénivelé positif de 6h à 9h du matin (enfin, quand je dis nous… les filles ont profité des chevaux pour remonter sans efforts). Nahuel a été d’une endurance à toute épreuve. Nous sommes donc revenus le lundi 15 septembre à notre point de départ, Cachora, fourbus mais immensément heureux d’avoir eu le privilège de visiter ce site encore très préservé ! Il ne le restera d’ailleurs peut-être pas longtemps car un projet très sérieux de téléphérique est en cours d’élaboration, avec un début de travaux prévu pour 2027 et une volonté d’amener 1 million de visiteurs par an à Choquequirao… Avis aux amateurs, c’est maintenant qu’il faut y aller !
Après une journée de repos à Cachora, nous reprenons la route en empruntant, pour la première fois du voyage, une piste de ripio (ie. route non goudronnées, plus ou moins caillouteuse, percée de nid de poules et dans ce cas-ci de fissures). Le profil de dénivelé n’était pas spécialement impressionnant sur le papier… mais il n’était pas spécialement juste non plus. Avec la fatigue accumulée, on se retrouve sur cette petite route à fortes pentes où l’on doit pousser les vélos en se relayant, et c’est dur ! Mais la contre-partie, c’est de pouvoir prolonger le plaisir de parcourir le canyon de l’Apurimac jusqu’à son entrée au niveau de la ville de Curahuasi, un régal ! Encore des vues époustouflantes, des montagnes abruptes et des pentes incroyables surplombées de hauts sommets enneigés.
Une fois à Curahuasi, nous avons en tête le profil de dénivelé à venir pour les quelques prochains jours : une redescente à 1900 mètres suivie directement par une remontée à 3700 m et surtout l’entrée dans une grande ville à vélo, ce qui n’est jamais une partie de plaisir… On ne sent pas un enthousiasme démesuré dans la troupe, alors que la fatigue commence à se faire sentir. Bon, on n’est pas là pour se faire mal non plus. En quelques minutes, la décision est prise de faire un petit saut en avant vers Cusco. Comme c’est le Pérou, 30 minutes plus tard, les vélos sont fixés sur le toit d’un collectivo, les sacoches sont arrimées sous un filet (pourvu qu’on n’en perde pas en route…), et notre chauffeur, qui se prend pour un pilote de rallye, démarre. Et après un trajet intense, où les ceintures de sécurité n’étaient pas une option pour une fois, nous arrivons dans la légendaire ville de Cusco !
La suite au prochain épisode !