10 000 kilomètres et des brouettes !
Ah Bolivie ! Pays de tous les extrêmes ! Bon, vous me direz : "Pas très original comme entrée en matière pour cet article. Vous avez déjà dit ça pour le Pérou, on tourne en rond là !". Eh bien oui. C'est que nous n'avions pas encore passé le choc Bolivie... Désert culinaire, désert de sable, désert de cailloux, pas un brin d'herbe, désert de bon sens, désert humain et même, même ! désert musical. Sauf si bien sûr les morceaux nasillards accompagnés de clips kitchissimes boliviens rentrent dans la catégorie "Musique", mais ça on en doute. Nous y reviendrons.
Mais que trouve-t-on en Bolivie ? Des boliviens pardi ! Et cette nation, enfin CES nations d'après Evo Morales, président du pays, impose le respect. Ce pays a été exploité (et l'est encore) par beaucoup d'entreprises étrangères qui essorent encore et encore le pays de ses richesses naturelles, sans que les boliviens ne voient jamais la couleur du moindre petit bénéfice. Un des pays les plus pauvres d'Amérique, la Bolivie accuse un retard flagrant de développement en comparaison avec les pays que nous avons traversé jusqu'à maintenant : la pauvreté est grande et saute aux yeux. La plupart des boliviens que nous avons croisé dans les campagnes survivent plus qu'ils ne vivent, souvent dans des endroits improbables, désert, et comme oubliés. On nous avait dit que les Boliviens n'étaient pas très sympas, nous les avons trouvé aussi gentils que dans d'autres pays, mais la dureté de leur vie les rend peut-être moins accessibles à première vue.
Le manque de bon sens général nous a beaucoup marqué. Nous avons été parfois confronté à la bêtise, la vraie, parfois par manque de culture. Parfois, et c'est plus grave, juste comme ça, sans plus d'explications. Comme par exemple, au passage de la frontière. En entrant, nous recevons un droit de séjour de trente jours. N'étant pas très sûrs de pouvoir traverser dans ce temps imparti, nous demandons un peu plus, nous savons que nous y avons droit. Le douanier nous explique alors qu'il ne peut pas, qu'il nous suffit "juste" de nous rendre à La Paz, d'aller à l'immigration centrale, et de demander une prolongation. C'est si simple, et pourtant lui ne peut pas le faire parce que... c'est comme ça. Bêtise administrative poussée dans ses plus beaux sommets... Certains boliviens sont roublards, appâtés par la naïveté et la richesse de certains touristes qui n'ont pas compris qu'il ne fait pas bon étaler ses richesses devant un type qui met 10 ans à gagner un SMIC français... Dans ce pays plus qu'ailleurs, nous avons fui les structures de tourisme classiques, flairant souvent les bons pièges à pigeons. Le portrait semble peu flatteur mais nous avons tout de même fait de belle rencontres et avons été très bien accueillis par les boliviens.
La traversée Nord-Sud du Pays a commencé sur les rives du lac Titicaca. Après le passage de la frontière, nous avons retrouvé Rémi et Jen, puis, en compagnie de la famille Charles, nous sommes partis tous ensemble sur l'île du Soleil. Dans la mythologie bolivienne et péruvienne, c'est sur cette île que serait apparu le soleil, une sorte de centre du monde des dieux en quelque sorte. Dernière petite pause détente avant de remonter sur nos montures. Le soleil était au rendez-vous, évidemment, les amis aussi. Bref, que demander de mieux ?
Le 28 septembre, nous reprenions la route, enfin, après près de 3 semaines de "vacances". Les premiers kilomètres nous ont mené en 2 jours à La Paz, du bon asphalte, des grandes lignes droites, quelques petites montées pour réveiller les mollets, rien de tel pour s'échauffer ! Dès le premier soir, nous retrouvons nos vieilles habitudes et toquons chez quelqu'un pour demander l'hospitalité. Ce soir là, ce quelqu'un est un prêtre, adorable, qui nous offre 4 murs et un toit pour la nuit, des matelas en paille, le dîner et le petit déjeuner. Royal ! Nous quittons définitivement les bords du lac Titicaca, et grimpons vers La Paz, plus haute ville du monde de cette taille. L'entrée est la plus éprouvante que nous n'ayons jamais faite dans une grande ville (vous voyez, ça commence les "extrêmes"). Nous traversons El Alto, qui est une ville moche, grise, sale, polluée, grouillante de "collectivos" (mini-bus de transport public) qui manquent de nous renverser toutes les 15 secondes. Les rues débordent de véhicules motorisés, circulants sans aucune règle apparente, le flot des piétons est effrayant. Nous nous sentons comme des fétus de paille ballottés dans cette circulation, presque écrasés à chaque nouveau soubresaut. On dirait que la ville vomit ses habitants. Charmante arrivée.
Nous choisissons de ne pas descendre en vélo jusqu'à La Paz. La ville est au fond d'une cuvette. Qui dit descente à l'arrivée, dit montée pour le départ. Et nous n'en n'avons pas du tout envie. Nous restons donc dans les hauteurs, quartier baptisé la Ceja (le sourcil) du fait de sa position en équilibre sur les montagnes environnants La Paz. Nous n'avons pas vraiment aimé cette ville, trop sale et trop agitée. Nous avons quand même eu de la chance : nous sommes tombés en plein petit festival dans un des vieux quartiers. L'occasion pour nous de voir quelques danses folkloriques et de beaux costumes ! Nous n'y sommes restés que peu de temps, histoire de régler notre prolongation de permis de séjour et de faire les derniers réglages avant le départ pour l'Altiplano, et avec comme objectifs mythiques : le Salar de Uyuni et le Sud Lipez !!!
Les jours qui ont suivi, nous avons taché de bien profiter de nos derniers kilomètres de goudron. Nous avons avalé 350 kilomètres en 3 jours : La Paz - Oruro - Challapata. Ça y est, nous étions lancé ! Comme l'entrée dans La Paz, la sortie a été longue et éprouvante. Nous avons largement eu le temps de nous énerver contre la très grande quantité d'abrutis qui a failli nous percuter. Là pour le coup, nous avons trouvé ça dangereux et nous avons eu peur plusieurs fois. Mais une fois sortis, à nous les grandes lignes droites... longues et ennuyeuses. 350 kilomètres sur l'Altiplano, c'est un peu long ; les lignes droites de 35 kilomètres, ce n'est pas très intéressant. Mais nous y avons tout de même fêté nos 10.000 kilomètres !! Ça y est. Bon, il nous aura fallu le temps, mais nous n'en sommes pas peu fiers de ce nombre ! La Bolivie nous aura offert sur ce tronçon quelques petits moments sympathiques comme : dormir dans une salle de squash, assister au tournage d'un clip bolivien (non, on précise, mais ça change tout. Bolivien inclut kitch), rencontrer un chien avec des rastas ou encore assister au défilé d'enfants tous en costume au milieu de la campagne. Ça commençait fort !!
Après le village de Huari arriva enfin le moment un peu redouté par Marie : l'adieu à l'asphalte et l'entrée sur la piste pour plus de 400 looOOOoongs kilomètres. Parce qu'on se marre bien sur les photos, mais quitter un bon revêtement pour s'engager dans 3 semaines de piste, faut quand même se motiver ! Dès le début, nous sommes catapultés directement dans un univers très plat, sableux et désertique. Le premier après-midi est magnifique et très impressionnant : avant même le déjeuner, nous voyions loin, très loin au fond de la morne plaine qui s'étale devant nous l'objectif du jour. Le village perché de Quillacas. Nous croisons des lamas, et plus étonnant, des gens, alors qu'il nous semble bien qu'il n'y ai pas grand chose à des kilomètres à la ronde. Deuxième jour de piste, une bonne surprise nous attend. Nous "naviguons" guidés par un très bon topo rédigé par d'autres cyclistes passés quelques années avant nous (voir Cycling South West Bolivia par Sonya Spry et Aaldrik Mulder ici, ce topo est extrêmement bien fait), la piste était prévu très mauvaise. En fait, depuis leur passage, la piste a commencé a être refaite et elle est bien roulable tout du long.
Nous sommes super contents, c'est un peu un soulagement. On aime bien se faire mal mais il y a des limites... ! Les jours qui suivent, nous sentons vraiment que nous poussons les portes du désert pour nous y enfoncer. Le peu de végétation disparaît petit à petit, laissant place à un paysage de sable et de caillasse. L'eau commence à manquer, il faut penser à organiser les ré-approvisionnement. Les plaines arides, sèches et balayées par le vent s'enchaînent. Comment des gens peuvent-ils vivre et cultiver ici ??? Après trois jours à ce rythme, nous entrons dans Salinas de Garci Mendoza, bien contents d'être déjà arrivés là.
Le lendemain, quatrième jour de piste, notre dernière étape vers le Salar de Uyuni nous attend. Le ton est tout de suite donné : la piste se dégrade. Finie la nouvelle piste, place aux bons gros cailloux qui tapent dans les roues et arrêtent le vélo, au sable bien profond, vous savez, comme à la plage. En plus de ça, le vent se lève. Du bonheur ! Mais le paysage est magnifique, toute la journée nous contournons le splendide volcan Thunupa, majestueux, nous rencontrons de nombreux lamas, et enfin, en début d'après-midi, le Salar est en vue. Il s'agit du plus grand lac asséché de sel du monde. C'est assez émouvant de le voir enfin, ce mythe pour de nombreux cyclo-touristes en vadrouille en Amérique du Sud. Elle est assez sur-réaliste, cette grande tache blanche au milieu des volcans. De haut, on dirait comme un grand bout de banquise qui se serait perdu là... Après avoir fait le plein en eau (pas d'approvisionnement possible sur le Salar), enfin nos roues se posent sur la croûte de sel !!
Et là ! Désenchantement : nous imaginions que rouler sur le Salar serait doux, agréable et facile. Il n'en est rien, car la surface est composé de nombreuses plaques de sel, qui rendent la progression très chaotique. Mais le spectacle est superbe, du blanc à droite, à gauche, devant, derrière, à perte de vue, c'est étourdissant. Durant nos premiers kilomètres, aucun d'entre nous ne parle : nous nous enivrons du paysage. Pour profiter encore plus de cette chance que nous avons, nous décidons de dormir en plein milieu du Salar. Le vent se lève fort, mais qu'importe, nous avons de bonnes tentes et un caillou pour réussir à planter les sardines dans la croûte de sel vraiment très solide. Au crépuscule, l'ambiance est magique : le soleil enflamme le ciel, le vide se fait tout autour de nous, le vent nous glace, et le sel, poussé par le vent, émet un bruit de carillon qu'on croirait sorti de nos imaginations. Dormir au milieu de tout ça est une expérience inoubliable.
Le lendemain, nous complétons la traversée du Salar, du Nord au Sud (80 kilomètres en tout). Nous passons par l'île Incahuasi, stop obligé de 4*4 des tour-opérators. Nous sommes bien contents d'être indépendants, nous avons au moins la chance de nous arrêter quand nous voulons, où bon nous semble, et d'éviter ainsi les endroits "authentiques" mais surpeuplés. Nous faisons évidemment la pause "photos rigolotes" : nous sommes là, comme 4 andouilles, à prendre des pauses pas naturelles du tout au milieu de nulle part. À voir de loin, ce devait être assez amusant ! Et enfin nous sortons du Salar, une belle expérience.
Nous sommes assez impressionnés car nous savons que devant nous s'étend le désert, le vrai. Celui où il n'y a ni eau, ni nourriture, ni village, et surtout une piste réputée très difficile, venteuse, et en haute altitude. Nous nous disons que, si nous sommes venus jusqu'ici, ben, c'est que nous pouvons bien aller plus loin. Alors, nous continuons... Mais stop ! Suite au prochain épisode... ! Hehehe.
En direct de Salta, Argentine. À vous les studios !
Commentaires (2)
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papounet
Super le salar pour celui qui aime la viande conservée en salaison mais de là a y enterrer ses morts pour mieux les conserver....
En attendant comme d'hab super -
Jacinthe et Béat
Félicitation pour vos récits et vos belles photos!! On vous envie d'avoir pu passer sur le Salar d'Uyuni.
Bonne continuité!!